La grande frousse du PVVIH, continuer son traitement dans un camp de déplacés

Depuis quelques mois, l’insécurité qui sévit en Haïti connait une proportion alarmante. La violence des groupes armés ne fait pas de quartier. Une telle situation entraine un déplacement massif de la population. Plusieurs familles émigrent vers les provinces ou vont se réfugier dans les camps de déplacés.
Selon le dernier rapport publié par l’Organisation Internationale de la Migration (OIM), en septembre 2024, plus de 700 000 personnes, dont plus de la moitié d’enfants, sont aujourd'hui déplacées à l'intérieur du pays. Des chiffres montrent une augmentation de 22 % du nombre de déplacés internes à l'intérieur du pays depuis le mois de juin. Au nombre de ces déplacés : vieillards, personnes vivant avec un handicap, femmes enceintes, PVVIH, enfants sont confrontés à des situations infrahumaines.
Casimir Myrtho, une jeune femme infectée par le virus de immuno‑déficience humaine (VIH) depuis plus de 19 ans, est mère de deux enfants. Elle habitait la rue de l’Enterrement, au Centre‑Ville de Port‑au‑Prince. En un cillement, sa maison est partie en flamme avec tout ce qu’elle contenait. Aujourd’hui, elle est logée au camp des déplacés du ministère de la Communication, au Bois Verna. PVVIH, Myrtho reconnait que suivre son traitement dans un camp de déplacés s’avère difficile.
« Pour prendre ses antirétroviraux (ARV) dans un abri n’est pas chose facile pour nous, PVVIH. Certaines personnes sont obligées de changer les pilules de récipients ou de les consommer lorsqu’elles investissent les rues. Moi, je le fais en toute discrétion parce que les autres déplacés sont très curieux. Ils posent toujours des questions pour connaitre la raison des prises de médicaments. Certaines fois, je les fais passer pour des médicaments contre les douleurs asthmatiques ou ceux assurant le bienêtre de l’enfant que je porte, vu que je suis également enceinte », explique Myrtho.
« La discrimination et la stigmatisation sont toujours au rendez‑vous. Bien que je ne sois pas frappée par ces phénomènes, je prends toujours soin de cacher mon statut sérologique. Je dois être prudente vu je ne sais quelle réaction les locataires de ces lieux pourraient avoir face à une telle découverte », poursuit‑elle

Membre de l’Association des Femmes Infectées et Affectées par le VIH (AFIAVIH), depuis 2016, cette artisane avoue ne pas avoir trop de difficultés pour s’approvisionner en ARV. Les responsables de cette structure s’assurent toujours que ses membres suivent normalement leur traitement. Cependant, Myrtho fait face à une situation déplorable dans ce camp.
« Jamais, pas un seul jour j’ai pensé que j’allais traverser une telle impasse dans ma vie. Je suis enceinte de plusieurs mois, pourtant je n’arrive pas à me reposer vraiment. Lorsqu’il pleut, c’est un calvaire. Je dois rester debout, attendre que ça passe pour ensuite sécher le sol et étendre une couverture pour dormir. Une situation qui peut avoir de graves conséquences sur ma grossesse. Mais hélas, je n’y peux rien », se désole Myrtho.
La nutrition joue un rôle très important dans le fonctionnement du système immunitaire de tout être humain, encore plus chez les PVVIH. Puisque l’infection au VIH affaiblit le système immunitaire de la personne infectée, elle a des répercussions sur l’état nutritionnel de celle‑ci. De ce fait, une alimentation équilibrée est essentielle pour le bien‑être des PVVIH. Mais pour Myrtho cette recommandation est loin d’être observée.
« La réalité au camp du ministère de la Communication est vraiment critique. L’eau et la nourriture sont rares. Je n’arrive pas à me nourrir convenablement vu que je n’entreprends aucune activité économique. C’est grâce au support continu et inconditionnel des responsables de l’AFFIAVIH que j’arrive à survivre. Lorsqu’on distribue des plats chauds au camp, la quantité de nourriture emboîtée est toujours insuffisante, c’est une péripétie pour en avoir un », se plaint‑elle.
Casimir Myrtho est loin d’être la seule PVVIH à vivre ces moments sombres, nombreux sont ceux qui lancent un cri de désespoir tout en espérant regagner leur demeure dans un temps record.
Esperancia Jean Noël
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